Après un été caniculaire, l’hiver et les prix astronomiques du chauffage se rapprochent à grands pas. De quoi inquiéter les habitants des Bouches-du-Rhône, qui sont particulièrement frappés par la précarité énergétique. La ville de Marseille à elle seule compte 50 000 foyers en situation de précarité énergétique, et le département des Bouches-du-Rhône compte 10 500 passoires thermiques. C’est là que MaPrimeRénov intervient, la nouvelle aide gouvernementale dédiée à la rénovation énergétique des logements privés.

Ma PrimeRénov est la prime forfaitaire qui remplace le crédit d’impôt CITE (crédit d’impôt pour la transition énergétique). Elle s’inscrit dans la dynamique globale du Plan France Relance de l’État pour relancer son activité économique et accélérer sa transition écologique suite à la crise du Covid-19. Le Plan France Relance, lancé en septembre 2020, dispose d’un budget de 100 milliards d’euros sur deux ans. Au sein de ce plan économique, 30 milliards d’euros sont consacrés à l’écologie et la transition énergétique.

La nouvelle prime forfaitaire MaPrimeRenov est l’une des 5 mesures phares de ce volet, avec un budget initial de 2 milliards d’euros complété par 2 milliards d’euros en 2022. Cette aide financière offre aux propriétaires la possibilité de prendre en charge une partie de leurs travaux de rénovation énergétique. Elle est versée par l’Agence Nationale de l’Habitat (Anah) et vise notamment à déclasser les logements considérés comme passoires thermiques (catégories E, F, G du diagnostic de performance énergétique). Le montant de la prime est défini autour de critères de performances énergétiques, du revenu des ménages et de l’efficacité des travaux. C’est pourquoi les foyers modestes et très modestes pourraient bénéficier d’une subvention plus élevée. Toutefois, malgré un fort intérêt chez les particuliers pour cette aide, cette dernière peine à être appliquée sur l’ensemble du parc locatif et immobilier. L’écart se creuse entre les logements éligibles aux aides promises et les logements bénéficiant de la prime, le département des Bouches-du-Rhône ne faisant pas exception.

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Un décalage entre promesses et besoins des usagers

Le premier obstacle qu’un usager rencontre pour obtenir la prime est celui des démarches administratives requises. Tout d’abord, il faut que le diagnostic énergétique de sa demeure légitime un besoin de rénovation. Il doit ensuite prendre contact avec une entreprise labellisée RGE (Reconnu Garant de l'Environnement). En cas de difficulté, il est possible de contacter un conseiller, mais selon les témoignages, ces derniers avouent eux-mêmes être débordés. Certains usagers se sont même vu recommander les services des “grands pollueurs”, qui s’intéressent à la rénovation énergétique, maintenant qu’elle peut compenser leur activité polluante. Par exemple, Ma Prime Total Energies se veut plus simple, plus rapide. D’autres témoignages viennent confirmer l’engorgement des services MaPrimeRénov : dossiers perdus, délais de réponse à rallonge, particuliers dont la prime promise a été réévaluée à la baisse, qui se sont vus obligés de contracter des prêts pour compenser. Sans parler du retard de remboursement une fois les travaux réalisés.

La rénovation énergétique trop longtemps négligée, MaPrimeRénov fait face à un retard énorme à rattraper. L’exemple est frappant dans les Bouches-du-Rhône, avec 1140 dossiers acceptés sur 408 677 dossiers éligibles selon l’ONPE et France Relance en 2021.

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Le programme présente d’autres hics : alors que la Loi Climat et Résilience de 2021 présente un agenda clair pour la transition écologique de la société, les avancées concernant les rénovations nécessaires pour le déclassement des logements considérés comme passoires thermiques ne semblent pas aller en direction des promesses émises. Selon la Cour des Comptes, le budget MaPrimeRénov de 2021 prévoyait la rénovation de 80 000 passoires thermiques, objectif revu à 20 000 en 2022. Dans les Bouches-du-Rhône, près de 10 500  logements diagnostiqués comme passoires thermiques sont éligibles à une aide de l’État sans pour autant en bénéficier. De plus, les logements parvenant à bénéficier de l’aide ne sont que partiellement rénovés : selon le comité d’évaluation de France Relance, “les rénovations globales ne représentent que 0,1 % des travaux soutenus” par MaPrimeRénov.

Se lancer dans une rénovation globale coûte cher : un propriétaire n’a pas la possibilité d’entreprendre des travaux sans débourser au moins 50 000€ pour faire passer son logement au moins en catégorie D. Pour l’année 2021, l’aide versée en moyenne était de 3 200€, insuffisant pour beaucoup de propriétaires pour se lancer dans de tels projets. Malgré le fait que 700 000 dossiers de rénovation aient été validés et financés sur l’ensemble du territoire l’an dernier, seulement 2 500 logements ont perdu leur statut de passoire thermique.

Au risque de créer de fortes tensions sur le marché immobilier dans les prochaines années, l’interdiction de la mise à la location de logements classés G, F et E respectivement en 2025, 2028 et 2034 incite davantage les propriétaires à mettre leurs biens en vente au lieu de les rénover. L’exemple de certaines grandes villes des Bouches-du-Rhône est criant : entre septembre 2020 et octobre 2021, la vente de passoires thermiques a augmenté de 12% à Marseille et de 27% sur Aix-en-Provence selon le site seloger.fr. L’aide, jugée insuffisante pour beaucoup, décourage nombre de propriétaires à se lancer dans des travaux, au détriment de l’objectif visé.

Une situation marquée par la précarité dans les Bouches-du-Rhône